Wolfgang J. Mommsen, un des principaux historiens allemands de sa génération et qui fut très actif dans le CISH, est mort accidentellement en août 2004 à l’âge de 73 ans lors d’une baignade dans la Baltique.
Descendant d’une longue lignée allemande d’historiens, de professionnels et d’hommes d’affaires, il était arrière-petit-fils de Theodor Mommsen, prix Nobel de 1902 pour sa célèbre Histoire des Romains, fils de l’historien Wilhelm Mommsen, sympathisant des Nazis qui perdit son emploi en 1945 et jumeau de Hans Mommsen, remarquable historien du nazisme et de la résistance antinazie. La volonté de comprendre pourquoi l’Allemagne était devenue fasciste et l’agresseur principal dans la première moitié du XXe siècle est demeurée fondamentale pour Wolfgang Mommsen de même que pour plusieurs autres historiens allemands de sa génération.
Sa thèse remarquable (avec Theodor Schieder) étudiait Max Weber et son rôle dans la politique allemande jusqu’en 1920. Certains des sujets traités par Max Weber deviendront les thèmes de plusieurs livres importants de Wolfgang Mommsen : l’impérialisme, l’État allemand, le libéralisme, les lacunes de l’élite allemande de la fin du dix-neuvième et du début du vingtième siècle ainsi que la Première Guerre mondiale. En tant que disciple de Weber, Mommsen a prôné une analyse historique non événementielle. Il est l’un des fondateurs du «Geschichte und Gesellschaft» (1975), un journal consacré à l’utilisation des sciences sociales en histoire; il a également coédité l’œuvre de Max Weber. Il était, comme lui, un ardent progressiste doté d’un esprit critique et d’un fort penchant pour les opinions tranchées. Excellent orateur, il a toujours apprécié un vif débat.
Wolfgang Mommsen a su allier une rare érudition à son rôle social d’intellectuel. Il a ainsi contribué à façonner plusieurs débats à l’origine de la culture politique de la république fédérale allemande. Contrairement à plusieurs de ses collègues, il avait compris l’importance de la dimension institutionnelle de notre discipline. Il a occupé le poste de professeur d’histoire moderne à l’Université de Duesseldorf de 1968 jusqu’à sa retraite, à l’exception d’un passage à l’Institut historique allemand de Londres. Sous sa gouverne (de 1977 à 1985), l’Institut a atteint un degré de productivité et de pertinence inégalé. W. Mommsen a été président de l’Association nationale des historiens allemands de 1988 à 1992. Il a joué un rôle capital dans le difficile processus de rapprochement des historiens allemands de l’Est et de l’Ouest, après la réunification.
L’optique de Wolfgang Mommsen était cosmopolite. L’internationalisation de la discipline historique lui tenait extrêmement à cœur. Il a représenté les historiens allemands à l’occasion de plusieurs congrès et rencontres et il a participé activement à la vie du CISH. Au printemps de 2005, paraîtra la version anglaise condensée du livre de Karl Dietrich Erdmann sur l’histoire des congrès internationaux d’historiens depuis 1898 et celle du Comité international des sciences historiques depuis 1926. Wolfgang Mommsen en a rédigé l’épilogue couvrant la période de 1985 (date à laquelle K. D. Erdmann a terminé son exposé) jusqu’à 2000. Ce sera une preuve de plus de l’implication de W. Mommsen à la cause de la collaboration entre les historiens de toutes nationalités.
Il est mort trop tôt et la communauté internationale des historiens se le rappellera avec respect et admiration.
Jürgen Kocka, Président du CISH